notretempsn

Territoriales 2022 : De l’idéologie à la politique-business : la perversion de l’action politique.


Rédigé le Jeudi 3 Février 2022 à 14:10


Notre histoire a montré que les coalitions électorales étaient jadis formées à partir d’un socle idéologique commun, ou plus ou moins apparentés des formations politiques. Ainsi sont nés le Front de la gauche ayant comme idéologie le socialisme ou le communisme avec ses déclinaisons, le Rassemblement de la droite réputée libérale capitaliste etc.


Aujourd’hui, ce n’est plus l’idéal politique reposant un projet de société qui meut la classe politique, mais la quête du pouvoir. Or donc, celles-ci avaient comme fondement les convictions d’ordre idéologique, qui traçaient les lignes de démarcation entre adversaires   politiques, individus comme partis politiques.

Les alliances et coalitions se fondent aujourd’hui sur des considérations totalement différentes, ce qui leur donne le caractère hétéroclite de regroupement d’un aéropage de partis et de mouvements, de personnalités de toute nature du reste.
Les élections territoriales de 2022 consacrent un nouveau type de coalition mis en place juste pour prendre le pouvoir, puis   partager les dividendes ! Tant pis pour la base idéologique et/ou programmatique et au final pour l’électeur aveuglé dans son choix, et qui, le lendemain de l’élection se retrouve avec un élu dont il ignore tout ( compétence, parcours, programme s’il en avait..).

En effet des considérations exclusivement électoralistes ont été à la base des coalitions qui ont sollicité les suffrages des sénégalais dans ses locales de 2022. Sans affinité idéologique, sans base programmatique, ni projection dans un avenir quelconque, ces coalitions ont été installées pour maximiser les chances de chaque partie prenante d’ accéder au pouvoir local et d’en tirer le maximum de profit en attendant les prochaines échéances pour se « vendre «  au prix coûtant.

Insidieusement, l’idée première de l’action politique, celle de servir la cité disparait au grand dam des populations, qui ne savent plus sur quel candidat porter son choix, seul la liste compte car il faut parer au plus pressé, mettre fin au pouvoir en place et ses satellites, et prendre possession des deniers publics ou ce qu’il en reste. C’est la voie d’accès rapide à l’enrichissement personnel et familial. Mais gare à ceux qui s’y méprendront, car le peuple veille déjà au grain et attend le retour de l’ascenseur notamment à la lumière des promesses.

 En effet, on le constate depuis quelques années, les plus grosses fortunes de ce pays sont des acteurs du jeu politique, qui viennent loin devant les hommes d’affaires, artistes (tout au moins au regard de leur standing forcé de vie) et les sportifs.

La cohérence idéologique, reléguée aux calendes grecques ?

Il faut rappeler que l’opposition sénégalaise, à l’époque de Diouf, et aussi de Wade, a souvent procédé à la mise en place de cadres organiques, qui permettaient de mutualiser les moyens humains et les ressources pour un but précis.  Souvent c’est pour mener un combat sur le fichier électoral et, ou, la surveillance et le contrôle du processus électoral, en amont et en aval.
Dans cette veine s’inscrit le FRTE (Front pour la régularité et la Transparence des élections) pour faire face à Diouf, et Cadre Permanent de concertation de l’opposition (CPC) contre Wade. Ce dernier comme son nom l’indique avait pour but   de créer un espace d’échanges et de rationalisation de l’action, mais les partis constitutifs n’en gardaient pas moins leur autonomie pour décider de la manière de conquérir le pouvoir.

L’ère des coalitions électorales s’est ouverte, lorsqu’il est apparu que les partis politiques, pris individuellement, n’avaient pas réellement une masse critique d’électeurs suffisante pour la conquête du pouvoir face au régime en place.
Sous ce rapport, respectant une bonne vieille tradition, que la logique et le bon sens suggéraient au demeurant, des coalitions se sont structurées autour des forces de la gauche dite historique LDMPT, PIT, AJ/PADS etc. Sur la base d’un référentiel idéologique de gauche, il est vrai, et ou sur un programme commun de gouvernement, comme c’était le cas pour le Front pour l’alternance (FAL), le Benno Siggil Sénégal (BSS), par exemple.

Toute ces expériences ont fait naitre aussi à leur corps défendant probablement, des   coalitions électorales hybride ayant aujourd’hui pour seul objectif, la conquête du pouvoir au moins sur une base programmatique, avec une perspective de gestion partagée du pouvoir, d’où le « gagner ensemble et gouverner ensemble » et ce parfois au sacrifice de la cohérence idéologique et de la volonté de changement.

Benno Bokk Yakaar (BBY) en est l’exemple le plus récent et le plus achevé de cette expérience, et qui a la plus grande longévité quand bien même est-elle très critiquée de l’intérieur.

En effet, BBY, coalition hétéroclite (Macky 2012, APR, AFP, PS, PIT, LD et une foule de partis lilliputiens, mouvements et personnalités dite indépendantes.) portant à l’origine le programme Yoonu Yokouté, proposé par Macky Sall pour conquérir et partager le pouvoir, est un conglomérat de partis dont les idéologies sont aux antipodes les unes des autres.
Mais ils avaient un dénominateur commun, leur volonté de bouter Wade et le PDS hors du pouvoir. Une fois le Job achevé, Macky président, Niasse à l’Assemblée, feu Ousmane Tanor Dieng au Haut conseil des collectivités locales, des ministères distribués aux uns et des directions ou de conseils d’administration aux autres, et parfois vite repris.

Ainsi, s’est installé au yeux de l’opinion et dans la conscience collective, qu’il y avait un partage du gâteau. En lieu et place des bonnes intentions, on assiste à un accaparement des postes électifs pour des intérêts bassement patrimoniaux.   

Parallèlement, le système judiciaire se « grippe » face à la prolifération des affaires politico financière non élucidées, avec des enjeux financiers hallucinants pour un pays pauvre comme le nôtre. Le point de départ étant l’affaire dite des chantiers de Thiès, qui sera suivie de scandales financiers à n’en pas finir concernant des milliards, et le comble dans la plus grande impunité.
On aura même vu des détournements avérés sans détourneurs, et des députés multiplicateurs de faux billets de banque et vendeurs de passeports diplomatiques.

 Au total, l’action politique devient le moyen le plus rapide pour une ascension sociale, même délictuelle en toute impunité, qui jure avec les motivations idéologiques et programmatique qui la sous tendait.

Le crépuscule des partis et l’avènement de la politique business

 Que reste-t-il des partis historiques PS, PDS, LD, PIT, AJ/PADS, AFP, URD ? On est tenté de dire pas grand-chose, tant ils sont devenus des fantômes acronymiques qui hantent l’espace politique, flottent au gré des coalitions, et se retrouvent tantôt au pouvoir, tantôt dans l’opposition.
Or ces réceptacles que sont les coalitions n’offrent de raisons d’adhésion que la conquête et le partage du pouvoir. L’absence de liant idéologique et programmatique est devenue le terreau fertile de l’émergence de la politique business, dont le leader est homme d’affaires politique. C’est l’homme qui est politique et son objectif faire des affaires. Se servir et non servir le Sénégal. Tiens !
Lorsque la clameur sera tue, et dissipée la poussière soulevée par ces locales de 2022, à l’épreuve de l’exercice du pouvoir, on saura qui est qui !

La Coalition bicéphale Yewi, Askan Wi, où trônent Ousmane Sonko et Khalifa Sall est attendue au tournant de la présidentielle de 2024, pour laquelle ils sont tous les deux candidats, non sans avoir installé au préalable le tonitruant Barthélemy Dias à la Ville de Dakar et l’atypique Ahmet Aidara dans la gigantesque ville de   Guédiawaye.

Rappelant un peu l’éphémère aventure de « Fékké ma ci boolé », de l’artiste Youssou Ndour, tout aussi éphémère ministre de la culture, Bougane Guéye Dany, de Gueum sa Bop est considéré comme la révélation de ces élections. Que propose-t-il ? L’idée de croire en soi, pour s’en sortir ! On ne parle pas ici de destin national, encore moins de projet collectif. Eculé !
S’agit-il de faire comme Farba Ngom, qui a cru en lui-même, jusqu’à devenir, maire de Agnam Civol, député à l’assemblée nationale et peser 25 milliards selon la presse sénégalaise. Gageons que non.

Nul doute, les populations attendent beaucoup de cette jeunesse qui a pris le pouvoir, pour la plupart avec Yééwi Askan Wi qui cristallise énormément les espoirs de changement et de rupture. Alors que ses dirigeants sachent que leur premier adversaire est le politicien homme d’affaire. En attendant le retour des nobles convictions.
 
Samba Moussa LY
 
 
 
 












Partager ce site

Derniers tweets