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Sénégal : La cohabitation , un défi difficile pour l’opposition ?


Rédigé le Mercredi 9 Mars 2022 à 11:53


A peine sortis des élections territoriales de Janvier, les états-majors des partis et coalitions se préparent déjà aux élections législatives de Juillet. En effet la révision exceptionnelle des listes électorales a démarré ce 7 Mars et se poursuit jusqu’au 31, conformément à l’article 1er du décret N°20226240 du 14 Février 2022.


Sénégal : La cohabitation , un défi difficile pour l’opposition ?
Dans la perspective des législatives de Juillet 2022, Benno Bokk Yakaar, la coalition au pouvoir, a tenu ce week end une réunion pour décider d’ « envoyer des missions de remobilisation et de conciliation » dans certaines localités, tandis que Yééwi Askan Wi, réuni à Thiès a, dans une circulaire signée par son mandataire national Déthié Fall,  appelé ses militants à une mobilisation pour une inscription massive sur les listes. 

Le tout, dans un contexte marqué par une légère et frivole bataille médiatique qui tantôt présente l’opposition ragaillardie par sa victoire dans l’essentiel des grandes villes, lors des élections territoriales, tantôt   la majorité qui crie victoire au décompte arguant du fait que  si elle n’a remporté qu’une Ville sur 5, elle a gagné 38 départements sur les 43 et 338 communes sur les 553.
L’Assemblée nationale qui est le nouveau challenge est composée de 165 sièges pourvus pour une durée de 5ans, selon un mode de scrutin parallèle dans 53 circonscriptions électorales correspondant au 45 départements plus les 8 que compte la Diaspora.
Il s’agit pour BBY de confirmer son hégémonie pour légitimer ses ambitions, fussent-elles anti constitutionnelles, et pour l’opposition, le défi est de réussir la première cohabitation dans l’histoire politique du Sénégal. Une situation inédite dans la vie de nos institutions.

BBY : une majorité l’Assemblée pour finir le mandat et se projeter avec Macky Sall ou avec un dauphin ?

La coalition présidentielle a objectivement de très fortes chances d’obtenir la majorité à l’Assemblée nationale, pour finir tranquillement ce mandat du président Macky Sall, dont on ne sait pas encore s’il est le dernier ou pas. Va-t-il dans cette dynamique de victoire, demander un autre mandat aux Sénégalais en exhibant son bilan matériel portant sur les infrastructures, ou mettre en orbite un dauphin, à travers un Premier ministre, qui serait nommé après des législatives victorieuses ? En tout cas la coalition présidentielle va à ces élections avec beaucoup d’atouts susceptibles de venir à bout de certaines velléités de changement à l’Assemblée nationale où à sa tête, et aussi celle de l’Etat.

Le mode de scrutin, la caution et le parrainage, des avantages pour BBY

Le système électoral sénégalais consacre pour les législatives un scrutin hybride avec une liste nationale élue à la proportionnelle et des listes départementales élues à la majorité. Ceci,   au regard de la configuration issue des élections locales de Janvier, donne BBY vainqueur dans 38 des 43 départements. On se demande dès lors logiquement, peut-il faire moins dans l’espace de 5 mois. C’est dire que si BBY garde et conforte ses acquis au niveau des départements, il serait difficile de la mettre en minorité à l’hémicycle, voire impossible. D’autant que la coalition aura ses élus à la proportionnelle et au niveau de la Diaspora.
 
Ce même système institue au terme de la loi N° 2018-22 du 4 Juillet 2018 du code électoral « Toute candidature à une élection, présentée par un parti politique légalement constitué, par une coalition de partis légalement constituée, ou une entité regroupant des personnes indépendantes est astreinte au parrainage par une liste d’électeurs ». Malgré les cris d’orfraie et les récriminations de l’opposition, cette loi anti démocratique pour certains, a bien survécu et semble avoir de beaux jours devant elle. Puisque malgré l’injonction de la cour de justice de la CEDEAO, suite au recours déposé par l’USL de Me Tine, pour une abrogation de la loi précitée, en la déclarant contraire « au principe de la libre participation aux élections », elle reste maintenue et appliquée.

Ça fait 3 ans que l’Etat du Sénégal avait 6 mois pour s’exécuter ! Ce système inique du parrainage est un long et coûteux processus, un obstacle majeur sur la route de la majorité à l’Assemblée et une illusoire cohabitation. Si le débat concernant le fichier électoral est mort de sa belle mort, il est fort à parier que le parrainage aura le même destin. Comme en 2017, BBY disposant de ses moyens financiers colossaux va collecter le plus grand nombre de signatures possibles, pour assécher le « marché », déposer le premier son dossier, de ce fait, bénéficier de toutes les signatures ayant fait doublon et laisser en rade ses concurrents.

Enfin BBY, la coalition menée par l’APR du président Macky Sall, va sans doute bénéficier de son bilan matériel, lequel concerne l’impressionnante réalisation des infrastructures : Stade Abdoulaye Wade encensé par la victoire finale des Lions, le TER qui coule des jours tranquilles, enregistrant déjà plus d’un million de voyageur déjà, au grand bonheur des populations de la banlieue etc. Le président dans son euphorie, a diminué les prix des denrées de première nécessité, même si cette diminution reste insignifiante. Tout cela au prix d’un endettement public qui ne cesse d’augmenter.

C’est dire que le président Macky Sall est dans les nuages où surfe sa coalition BBY. « Le temps de l’action et des réalisations continue » dit-il au lancement des travaux de la deuxième phase Diamniadio/Diass d’un coût de 207 milliards.  Mais gare au retour de bâton ! Le président Macky Sall est conscient qu’il lui faut gagner toutes les élections et brandir un bilan positif, pour espérer un troisième mandat contre la volonté de l’opposition.

Et encore !  C’est pourquoi il n’hésite pas déjà à se lancer dans une campagne virtuelle à travers le lancement d’un concept de visioconférence dénommé « Jokko ak Maky », dont la première édition était consacrée au département de Pikine. Quatre tours d’horloge où le président et les internautes ont échangé sur les problèmes de la localité et les solutions de l’Etat du Sénégal.

L’ordre des priorités, un retour de bâton ?

Les réalisations du président en matière d’infrastructures malgré leur importance, cachent mal, le mal -vivre des sénégalais, englués dans une crise qui n’épargne aucun secteur de l’économie : la santé, l’éducation, l’industrie, le tourisme, le marasme est partout. C’est à s’interroger sur  l’opportunité d’un endettement énorme qui ne développe pas l’appareil productif, et crée si peu d’emplois. L’effet « allumez les lampes » ne risque-t-il pas de mettre la lumière sur la paupérisation profonde des couches vulnérables, en lieu et place d’une émergence attendue et favoriser un vote sanction ? Au moment où il était attendu sur la bonne gouvernance, la justice sociale, l’équité et le renforcement des acquis démocratiques, le président Macky Sall semble inverser l’ordre des priorités. Ou est-ce une lecture sous le prisme déformant des opposants à son régime ?

La cohabitation : un défi stratosphérique pour l’opposition

Après avoir fait main basse sur les principales grandes villes du pays (4sur5), l’opposition va devoir démontrer que « qui peut le moins, peut le plus » en allant à l’assaut des départements ! Pas évident que cela. Car il lui faudra passer les obstacles posés comme filtres, notamment le parrainage etc.. 

Ce qui requiert des moyens humains et financiers colossaux, une très bonne organisation sous tendue par un engagement loyal sans faille.

Toutes choses qui font défaut à une opposition sénégalaise fragilisée par sa division et des rivalités entre coalitions. A Wallu Sénégal, le PDS qui en est la locomotive est encore sonné par ses résultats et, en est à sanctionner ses conseillers de Guédiawaye qui n’auraient pas respecté les consignes de vote du parti en faveur du maire Ahmed Aidara. C’est le cas de son président à la fédération PDS de Guédiawaye El Hadj Ndiogou Malick Dieng.

Après avoir quitté la coalition Yééwi Askan wi, le leader de PCS/Jengu Tabax, Boubacar Kamara, l’ancien patron de la Douane et naguère secrétaire général du gigantesque ministère de Karim Wade, en appelle à la mise en place d’une nouvelle coalition. Une de plus, pour lutter contre la division de l’opposition ! Une division dont la raison n’est que le choc des egos et non des ambitions. Hélas !

La mission est d’autant plus difficile que BBY est dans une cruelle entreprise de débauchage des élus de l’opposition et qu’un couperet judiciaire est suspendu sur la tête de Barthélemy Dias et Ousmane Sonko, deux des principaux leaders de Yééwi Askan wi, et fers de lance de la mobilisation.

Gueum sa bop dont on dit qu’elle est la révélation des élections de Janvier n’en demeure pas moins une nébuleuse dans cette opposition où, tout le monde se méfie de tout le monde. Soupçonnée qu’elle est, d’être une taupe, où, à tout le moins, de travailler pour BBY et Macky Sall. Une perception confortée par le fait que beaucoup d’élus locaux de cette coalition n’ont aucun lien avec elle, si ce n’est d’être parti aux élections avec le récépissé de Gueum sa bop.

Mais cette opposition à des ressorts insoupçonnés quand on pense aux dernières élections qui l’ont vu performer, jusqu’à porter à la tête des localités d’illustres inconnus qui ont battu à plate couture des dinosaures politiques et financiers.

L’obstacle financier n’est pas à minorer, à peine relevée des investissements pour les élections territoriales, il faudra casser la tire lire à nouveau. C’est dire que l’idée fabuleuse d’une cohabitation qui aurait sans doute élevée notre jeune démocratie au rang le plus élevé par cette situation inédite relève plus d’un rêve qu’autre chose en ce moment. Mais en politique, il ne faut jamais dire jamais….
 
Samba Moussa LY
 
 
 
 
 
 












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